Cette étude tente de reconstruire la première phénoménologie de la religion du jeune Heidegger par l'examen du recueil de notes éparses rédigées entre 1916 et 1919 et intitulé rétrospectivement Les fondements philosophiques de la mystique médiévale. Entre sa thèse d'habilitation et ses premiers cours d'après-guerre, Heidegger se consacre à l'écriture d'une Phénoménologie de la conscience religieuse qui, pour des raisons quelque peu mystérieuses, restera finalement inachevée. Si certains de ses éléments seront repris et assimilés dans les cours sur Paul et Augustin des années 1920 et 1921, de nombreux autres, concernant des auteurs tels que Maître Eckhart, Bernard de Clairvaux, Luther, Schleiermacher ou Adolf Reinach, ou des notions phénoménologiques, théologiques et religieuses, telles que la prédonation, la foi, la prière ou l'a priori religieux, trouvent dans ce texte une thématisation tout à fait spécifique, dictée par une situation biographique et philosophique singulière. C'est pour répondre à cette dimension hapaxique que ce livre tente un commentaire exhaustif des notes heideggeriennes. Et c'est à l'occasion de cette lecture suivie que sont apparues les grandes lignes de ce que l'on peut appeler une herméneutique théologique censée guider la phénoménologie sur le terrain religieux nouvellement investi et la familiariser avec des phénomènes qui résistent en certains endroits à son esprit méthodique. Malgré leur caractère introductif, les premières recherches de Heidegger témoignent d'une richesse, d'une profondeur et d'un respect de la vie religieuse inégalés à ce jour et il n'est pas exagéré de dire qu'elles devraient servir de prolégomènes à toute phénoménologie future de la religion. Ainsi, parallèlement au travail d'explication, le travail ici présenté esquisse en ce domaine quelques chemins possibles en prolongeant certaines descriptions heideggeriennes et en posant les bases d'un nouveau dialogue entre phénoménologie, théologie et sciences religieuses.