Trop longtemps, Philippe de Commynes (1445-1511) a été
cantonné dans une image réductrice : traître à Charles le
Téméraire, il avait rejoint Louis XI, dont il était devenu un
ministre éminent, sans cesser pour autant de porter en son coeur
le poids de ce «péché originel». À la lumière de documents
nouveaux apparaissent des pans entiers d'un personnage infiniment
plus complexe, aux champs d'activité bien plus vastes.
Ancré dans le Moyen Âge par son attachement à ses terres
et à ses droits féodaux, Commynes est plus encore tourné vers
un monde nouveau où il tisse ses réseaux, de sa Flandre natale
jusqu'au coeur de l'Italie en passant par les Balkans... Réseaux
politiques, car Commynes est bien le maître diplomate de
Louis XI, mais financiers aussi, grâce auxquels l'économie
devient un visage du politique. À côté de l'homme d'État,
c'est encore l'homme privé aux ambitions jamais démenties
qui apparaît en pleine lumière, prêt aux rébellions féodales,
procédurier inlassable, défenseur hargneux de ses intérêts
personnels...
Le tout est transcendé par l'écriture de ses Mémoires, un
monument littéraire par la force et l'acuité du regard, la liberté
du jugement, le poids de l'expérience. Créateur, sous l'autorité
de Louis XI, d'une nouvelle approche diplomatique et politique
et de sa théorisation, Commynes est, sans maître cette
fois, créateur d'une nouvelle écriture de la mémoire et de
l'histoire.