Longtemps, il y eut les mariages : Descartes, Bergson, Merleau-Ponty, longue est la liste des philosophes qui, au nom de la conscience ou de la raison, firent sa part à la psychologie. Puis vint l'enterrement, quand, en ce dernier demi-siècle, la philosophie, française notamment, dénonça en sa rivale un hybride suspect, ni tout à fait une science, ni tout à fait un art. Et, en une formule de Georges Canguilhem demeurée célèbre, de conseiller aux psychologues qui sortiraient de la Sorbonne de prendre à gauche afin d'atteindre le Panthéon plutôt qu'à droite, au risque de descendre jusqu'à la Préfecture de Police.
Or la guerre froide entre les deux disciplines ne devrait plus avoir lieu. Les murs tombent sous la poussée particulièrement des questions que formulent à nouveaux frais les sciences cognitives : dès lors qu'on redécouvre l'esprit, qu'on s'accorde sur l'importance du mental - ce niveau ni purement cérébral, ni strictement non physique où, à travers perceptions, images, croyances et jugements, s'élabore la connaissance -, les rapports entre la philosophie et la psychologie se redéfinissent.
Pascal Engel, grâce à cet état des lieux, le montre, qui révèle combien des acquis de la psychologie sont nécessaires à l'enquête conceptuelle qu'est la philosophie ; combien, en psychologie, des approches conceptuelles, de nature philosophique, sont requises pour l'interprétation de résultats comme pour la formulation d'hypothèses nouvelles. Il se célèbre ici non pas une nouvelle alliance, mais les vertus d'un dialogue raisonné - qui n'aurait jamais dû s'interrompre.