Ce numéro s'ouvre par la présentation et la traduction, dues à Christophe
Bouriau et Oliver Schlaudt, d'un texte polémique écrit par Hans
Vaihinger en 1900, «Une controverse française sur la vision kantienne de
la guerre». L'objet du texte est l'interprétation d'un passage de Kant où
ce dernier écrit qu'«au niveau de culture où se trouve encore le genre
humain, la guerre reste un moyen indispensable pour faire progresser
celle-ci». Dans le conflit des interprétations qui a opposé Louis Couturat
à Ferdinand Brunetière quant au statut de la guerre chez Kant, Vaihinger
y prend parti pour le premier ; ce travail entend ainsi éclairer la
réception de Kant en France et en Allemagne dans une période de tension
persistante entre les deux pays.
Dans «L'influence de Bolzano sur l'analyse phénoménologique du langage
ordinaire chez Husserl», Alain Gallerand part des significations,
définies par Bolzano comme des unités idéales sur le modèle des représentations
et propositions en soi, et montre comment Husserl les interprète
comme des espèces s'individualisant dans les actes de la conscience.
Il met ensuite en évidence que l'influence de la sémantique objective ne
se limite pas aux énoncés théoriques (souvent privilégiés par les commentateurs),
mais s'exerce également sur d'autres aspects des langues
naturelles, en particulier dans l'analyse phénoménologique des indexicaux
et des noms propres.
Dans «Bolzano et le psychologisme. Sur la possibilité des représentations
sans objet», Maria Gyemant part de la thèse célèbre de Bolzano
selon laquelle «Il y a aussi des représentations sans objet», qui se présente
comme la négation d'un principe fondamental de la psychologie de
Brentano et ses élèves - pour lesquels le fait d'avoir un objet fait partie
de l'essence même de la représentation. Elle tente de montrer que le débat
autour des représentations sans objet est fondé sur un malentendu lié à
l'équivocité du concept de représentation - ce dernier étant entendu tantôt
comme l'acte subjectif de se représenter, tantôt comme une signification
idéale.
Dans «Écrire le cas - Pinel aliéniste», Philippe Huneman analyse la
manière dont la nouvelle conception de la maladie mentale et de la psychiatrie
par Pinel va de pair avec un type spécifique de grammaire utilisée
pour décrire le cas clinique. Une première partie présente la catégorie
de cas clinique en relation avec l'étude de cas en médecine clinique à
l'époque, puis avec l'institution qu'est l'hôpital ; une seconde élucide les
aspects de la grammaire du discours pinellien (causalité, présence de
l'hôpital, cas clinique comme dispositif rhétorique).
D. P.