« Les sophistes, les sceptiques, les empiristes, les phénoménistes,et les hé- raditéens ont resurgi des débuts vaincus de la philosophie naturelle pour souffler ce qui pourrait être le fin mot de son histoire. (...) Leur seul revers est de ne pas avoir anticipé que l'effort (certes vain) pour contempler la forme immuable d'une réalité indépendante de nous, aboutirait aux directives durables d'une action efficace au sein d'un réel mouvant inséparé de nous. L'illusion du stable était nécessaire pour motiver notre effort de stabilisation. La pulsion vers l'être était décisive pour affermir notre maîtrise de l'apparaître. Le détour par une quête du non-humain était indispensable pour permettre le retour conscient de l'humain à l'humain. »
« Personne ne comprend la mécanique quantique ». Ce célèbre constat de Richard Feynman est désormais dépassé. Pour faire de la mécanique quantique une théorie claire et facilement compréhensible, il suffit de la voir comme un guide dans le monde plutôt que comme une représentation du monde. Ce renversement, esquissé par Bohr dès 1927 mais souvent critiqué et presque oublié, a été confirmé et amplifié par les plus récentes audaces de la pensée physique (comme le Bayésianisme Quantique, ou QBism). Il débouche sur une philosophie de la connaissance et de notre situation étonnamment proche de celle des phénoménologies de l'incarnation. Selon l'idée neuve de la connaissance, l'être ne se présente pas à nous comme un unique objet à voir ; ce sont au contraire nos multiples visions qui naissent du coeur éprouvé de l'être. Et selon l'idée neuve de notre situation, nous ne sommes ni des contemplateurs ni des parties du monde ; nous sommes le mouvement même par lequel un monde s'auto-objective.