Poète, peintre, romancier, scénariste, chroniqueur et cinéaste.
Pier Paolo Pasolini (1922-1975) fut un créateur protéiforme et un
esprit libre, une sorte de Socrate enragé contre la perte du sacré de
la société de consommation. Marxiste hérétique, ailier gauche d'instinct, il
fut aussi un enfiévré de football qu'il pratiqua tout au long de sa vie.
Si dès sa jeunesse le sport devint sa «consolation la plus pure, la plus
constante, la plus spontanée», la pratique du ballon représenta surtout
une sorte d'Éden rédempteur et sacré puisant à la même source que le
mysticisme qui habite ses films.
Tifoso du Bologna FC, spectateur passionné des matchs au Stadio
Olimpico de Rome, le romancier reprit les mots de volée pour évoquer le
langage du football des banlieues pauvres puis pour établir un distinguo
entre football de «prose» et de «poésie», ce dernier étant incarné par
les Brésiliens lors de la Coupe du monde 1970 à laquelle il assista au
Mexique.
Souvent sifflé hors jeu pour ses prises de position iconoclastes, il contribua
à changer le regard des intellectuels italiens sur le sens et la portée du
football. Deux ans avant de mourir, il révéla la dimension qu'aurait pu
prendre cette passion d'enfance qui brûlait en lui comme un feu sacré :
«Si vous n'aviez pas eu le cinéma, l'écriture, qu'auriez-vous aimé
devenir ?
- Un bon footballeur. Après la littérature et l'éros, le football est l'un
des plus grands plaisirs.»
(Interview de P. P. Pasolini, La Stampa, 4 janvier 1973).