Dans l’histoire de l’électrification qui est un sujet encore neuf, le groupe Durand occupe une place de choix. Second grand groupe de l’électricité avant la nationalisation, il fait figure, à bien des égards, d’archétype du capitalisme français, avec ses fusions, ses restructurations, ses prises de participation. Pierre-Marie Durand, avoué de formation, est devenu en une génération le dirigeant d’un groupe puissant, qui repose sur un actionnariat essentiellement familial, un solide réseau d’administrateurs et une gestion risquée. Renonçant à l’autofinancement, il s’expose en effet sérieusement pour assurer la croissance externe de son groupe, d’où une gestion fondée sur une trésorerie étroite et un fort endettement, totalement hors norme, qui suscita alors l’hostilité des milieux financiers. Constituant des monopoles régionaux, par le biais d’une politique de concentration et de rationalisation des filiales, Pierre-Marie Durand définit d’abord la stratégie financière, les choix technologiques n’intervenant qu’en second lieu. Ainsi, s’explique le passage d’une logique de distribution à l’option de la production- distribution-interconnexion. Dans le cadre européen du démantèlement des monopoles publics, l’histoire d’« un groupe, structure dominante de l’économie actuelle, illustre le fonctionnement de l’industrie électrique française dans le cadre privé et concurrentiel. Enfin, elle permet de mieux connaître l’origine d’EDF, car en 1946, le groupe Durand a été un apport essentiel de la nouvelle compagnie ».