Donné à Marbourg durant le semestre de l'hiver 1924-1925, ce cours (auquel assistèrent notamment Hannah Arendt, Hans Jonas et Gadamer) est à plus d'un titre exceptionnel dans le cadre de l'Edition intégrale des écrits de Martin Heidegger. D'une part en ce qu'il constitue un témoignage aussi précieux que précoce de l'enseignement consacré par Heidegger à Platon et à la dialectique platonicienne, dans une optique résolument phénoménologique, juste après la disparition de Paul Natorp auquel la première séance rend un hommage appuyé. Mais encore en ce qu'il accompagne visiblement la gestation d'Etre et temps, dont certains traits se trouvent ici clairement préfigurés ou annoncés. Une bonne partie du cours - près du premier tiers - porte à vrai dire sur Aristote, et plus particulièrement sur l'Ethique à Nicomaque (livre VI), conformément au principe herméneutique, développé ici même, qui recommande de procéder, rétrospectivement, en allant du clair à l'obscur.
On ne s'étonnera donc pas d'y retrouver longuement et patiemment analysé, replacé dans son contexte, l'exergue, n'ayant assurément rien de «purement décoratif», que fournira au livre de 1927 une longue citation du Sophiste de Platon : «... que voulez-vous dire au juste chaque fois que vous prononcez ce mot "être" ? Ce sont là manifestement des choses qui vous sont familières. Nous-mêmes, jusqu'ici, nous nous figurions les comprendre ; à présent, nous voici dans l'embarras.»
Au fil d'un commentaire très fouillé, libre et rigoureux où ne cesse d'affleurer la dimension profondément éthique du questionnement philosophique toujours référé à l'existence qui s'y engage et s'y implique, l'élaboration de la question qu'est-ce qu'un sophiste ?, solidaire d'une thèse sur le non-être où Platon affronte Parménide, pourrait bien se donner à lire comme une réponse à la question qu'est-ce qu'un philosophe ?