Le 10 mai 1981, François Mitterrand était élu président de la République. Si elle a marqué une étape importante de la vie politique française, cette victoire de la gauche a revêtu une saveur particulière en Bretagne. En effet, l’arrivée du candidat socialiste à la tête de l’État a marqué aussi l’aboutissement de la mobilisation antinucléaire de Plogoff. Voici la toute première analyse complète de cette mobilisation devenue emblématique. Depuis les réunions publiques initiales dans un bistrot d’Erdeven en 1974, jusqu’aux négociations avec le nouveau pouvoir socialiste pour faire annuler le projet de Plogoff, il aura fallu sept années de mobilisation pour accomplir une gageure exceptionnelle : faire entendre raison à l’État à propos de son programme nucléaire civil. À partir d’une enquête qui s’est appuyée sur des entretiens et de nombreuses sources documentaires, Gilles Simon déroule le fil de cette mobilisation. L’auteur montre que l’aboutissement de ce mouvement a été possible parce que les acteurs mobilisés ont effectué un vigoureux travail d’apprentissage socio-politique. Malgré leur relative inexpérience de la lutte sociale, les opposants ont créé un réseau de comités locaux d’information sur le nucléaire (CLIN). Ils ont réussi peu à peu à relier la cause antinucléaire aux idées nouvelles de l’après-Mai 68 et aux préoccupations des habitants. Sur les aires de mobilisation d’Erdeven, de Guimaëc, de Ploumoguer, et de Plogoff, ils ont appris à prendre la parole pour contrer les promoteurs de l’atome civil. Ils ont également appris à monter une manifestation, à communiquer dans les médias, à tisser des liens avec les partis politiques. Au-delà de ces aspects stratégiques, ce livre de sciences sociales s’intéresse aussi à la dimension émotionnelle de la mobilisation. Gilles Simon montre que le mouvement antinucléaire breton s’est appuyé sur un imaginaire riche et relié à une culture qui donnait du sens à l’action collective. Malgré mille difficultés, les opposants ont fait preuve d’une grande créativité, ce qui a donné de la force à la mobilisation, notamment lors de l’enquête d’utilité publique à Plogoff en 1980. Même si les conditions socio-politiques ont beaucoup changé aujourd’hui, en particulier avec l’Internet, la « leçon » de la mobilisation de Plogoff reste actuelle.