Quiconque lit les poèmes de Radovan Ivsic en français est frappé par le dépouillement de la syntaxe, d'où naît l'impression qu'une sorte de vide entoure les mots, leur conférant une capacité maximale d'irradier autour d'eux. Bien que souvent choisis parmi les plus courants, les vocables en reçoivent des résonances illimitées; les phrases s'égrènent une à une comme si elles étaient énoncées dans le silence nocturne. En outre, faisant entendre un langage d'espace autour du langage des mots, des dispositions typographiques variées ont en commun la propriété de ménager de grandes plages de blanc dans la page, qui parfois n'accueille plus que quelques lignes incandescentes, comme dans l'admirable «Mavena». Le miracle est alors qu'isolées les unes des autres par ces traces de l'inconnaissable, les phrases imposent au lecteur avec une autorité souveraine la richesse de l'univers secret dont elles sont issues.