«La poésie de Francis Picabia est un acte qui révèle l'énergie du présent et qui la saisit dans l'élan d'une dépense sans calcul. Exprimer quelque chose, pourquoi pas ? Mais il faut alors que cette chose soit prise dans le mouvement et non pas qu'elle lui serve de but ou de prétexte. Il n'y a pas de but poétique sinon l'irruption de l'immédiat, qui surgit soudain et dans une perpétuelle surprise. Le poème écrit cet immédiat et, donc, l'exprime en coïncidant avec lui. Ce processus ressemble à l'écriture automatique (et dans ce cas la précèderait) mais cette dernière, qui vise à traduire le fonctionnement de la pensée, bénéficie d'une orientation mentale très délibérée alors que le poème de Picabia s'abandonne à une incohérence qui est le lâchez-tout destiné à provoquer le fonctionnement de l'inconnu.
André Breton a tour à tour admiré, honni, retrouvé Picabia. Il lui a, finalement, rendu un bel hommage, le 4 décembre 1953, au cimetière Montmartre : «Vous avez été l'un des deux ou trois grands pionniers de ce que l'on a appelé, faute d'autre mot, l'esprit moderne. Vos mouvements l'ont conditionné en grande part et rien ne peut faire, même après le salut bouleversé que je vous adresse, que vous ne restiez à la pointe aimantée de cet esprit».
Bernard Noël
«L'écriture de Picabia, changeante et répétitive comme une obsession amoureuse, n'est pas foncièrement éloignée de sa pratique picturale. Elle repose sur la même poétique : recherche du choc et de la nouveauté, déplacement d'un champ vers un autre, collages et emprunts non avoués. Toujours insaisissable, le «beau monstre partage ses secrets avec le vent».
Carole Boulbès