Le recueil des Visages de la Vie (1899) ouvre la grande trilogie vitaliste
que Verhaeren poursuivra avec Les Forces tumultueuses (1902) et
La Multiple Splendeur (1906). Le poète y célèbre les moments de communion
extatique où toute barrière semble tomber entre le moi et le
monde. Comme dans la poésie expressionniste allemande, qui recevra
fortement l'empreinte de Verhaeren, la fusion ainsi exaltée de la vie
individuelle et de la vie totale débouche sur un appel à l'action conquérante,
devant laquelle la poésie semble parfois condamnée à s'effacer :
Lassé des mots, lassé des livres,
Je cherche en ma fierté
L'acte qui sauve et qui délivre («L'Action»)
Les Douze Mois, tout d'abord parus sous le titre d'Almanach (1895),
relèvent, comme les Petites Légendes (1900), d'une inspiration plus
patriale, où Verhaeren s'approprie savamment des formes et des
motifs populaires. Le premier recueil chante les «pauvres gens» du
Nord, sur lesquels s'acharnent les forces de la nature ; la suite
d'étonnants poèmes narratifs qui composent le second, recrée une
Flandre mythique, à la fois truculente et fantastique.