Le plaisir est grand à se laisser entraîner par les flots du verbe
saint-simonien dans les Mémoires. Si le voyage n'y peut être que
fertile en découvertes - portraits, mais aussi conversations retracées
dans leurs moindres inflexions, descriptions inattendues
et autres curiosités de cour -, des traversées moins attrayantes
guettent le lecteur, généalogies ou digressions où l'on hésite à
s'aventurer. L'enjeu d'une «poétique» des Mémoires est de donner
une vue d'ensemble de l'étendue déroutante du récit, en relevant
ses présupposés, tels qu'ils se donnent à lire dans son armature
discursive, en répertoriant les récurrences formelles qui en
constituent le tissu, en dressant la carte de ses grandes stratégies
narratives : ordre du récit informé par une écriture digressive,
mise en valeur du moi, commentaire multiforme sur le règne du
chaos.