Le panorama contemporain du patrimoine culturel témoigne de situations contrastées. La polarisation de l'attention autour de sites emblématiques s'élargit avec la diffusion croissante de références vernaculaires et privées. La numérisation des données surimpose à la distinction entre matériel et immatériel une différence entre réel et virtuel ouvrant à bien des supputations. Les tensions financières mettent de plus en plus le patrimoine culturel au service des différents volets du développement durable ou en font même un simple instrument. La croissance continue du nombre d'objets patrimoniaux cache mal l'euthanasie silencieuse de patrimoines esseulés.
Nos conversations contemporaines avec le patrimoine valent expériences, mais rien ne préjuge de leurs effets. Les uns, tel Narcisse, ne feront qu'y apercevoir leur image dans l'eau de la source. Les autres, tel Ulysse, chercheront à y trouver des ressources renforçant leur compréhension du monde et de leurs actions, vivant leur expérience sur le mode de la catharsis ou d'un flot de satisfactions à perpétuer. À partir de l'attention qui nous est signalée des patrimoines ou de celle que nous souhaitons faire partager aux autres, ces odyssées peuvent aussi bien conduire au marché des illusions qu'à l'atelier des créativités. Dans un monde où les machines et l'intelligence artificielle vont jusqu'à formater nos expériences, une odyssée patrimoniale nous offre des trajectoires d'interrogations sur nous-mêmes et nos sociétés. En explosant les temporalités, elle fait advenir le monde.