
Mort du dialogue au XIXe et au XXe siècles, et mort de la conversation ? Souvent interprété par la critique comme une forme en voie d'extinction après la Révolution, le dialogue littéraire, envisagé sous son mode conversationnel, n'en est pas moins resté bien vivant dans toute l'Europe. Walter Savage Landor, Giacomo Leopardi, Paul Valéry et Paul Claudel s'en emparent et y expérimentent leurs propres théories poétiques, en font le lieu d'une parole libre, rieuse, digressive et palinodique. Sous le regard complice des Anciens, Socrate et Lucien en tête, de nouveaux conversants morts ou vivants, réels ou imaginaires, y parlent en désordre de tout et de rien, trouvent paradoxalement du sens dans l'espace dialogique d'une parole marginale. Cette étude a pour objectif de montrer que le dialogue littéraire opère progressivement un renouveau de sa forme et de ses fonctions afin de se reformuler soi-même comme un lieu d'instabilité et de liberté fondamentales de la prose, où la confrontation à l’autre (envisagé comme un autre soi-même) par le langage redéfinit les modalités d’une médiation dialectique de la parole, propice à l’émergence épiphanique d’une poésie conversationnelle.
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