Ce livre pose la question d'une éventuelle spécificité du discours
littéraire et, dans ce but, tente de situer l'une par rapport à
l'autre les deux disciplines voisines mais souvent opposées que
sont la poétique et la rhétorique. Arts du langage, l'une comme
l'autre ont à voir avec ce que le logos a de plus noble, avec la
Belle Parole et affrontent, chacune à leur manière, les genres du
discours et du texte. Les principes de distinction de ces genres
sont examinés, en particulier à la lumière des grandes conduites
psychologiques que sont le récit et le «faire semblant», qui ont
leurs correspondants dans les conduites langagières de la diégésis
et de la mimésis. Celles-ci se distinguent notamment par la distance
de l'énonciateur à l'énoncé, et de l'énoncé au monde. C'est
pourquoi une large partie du livre est consacrée à une réflexion
sur le statut du réel et de la fiction, que l'on oppose trop souvent,
alors qu'aucun critère décisif ne le permet. Empruntant à la philosophie
autant qu'à la linguistique, sa thèse est ainsi qu'il
n'existe que des usages orientés et spécifiques de la parole : non
des oppositions tranchées entre le littéraire et le non littéraire,
entre le réel et la fiction, mais des pratiques situées entre des
pôles. Il devient alors possible de renverser la perspective d'une
poétique générale au profit d'une rhétorique généralisée comme
questionnement de l'homme sur lui-même et sur le monde.