L’Afrique connaît, depuis le tournant du siècle, une expansion rapide des nouvelles technologies d’identification des personnes. Alors que près de la moitié de la population du continent ne serait pas dotée d’une identité légale, la biométrie apparaît comme la solution miracle pour lutter contre la fraude électorale, certifier les comptes bancaires, compenser les faiblesses de l’état civil et, surtout, contrôler les flux de population. Si le souci sécuritaire est central dans cette dynamique globale, la biométrisation des identités se pare aussi des atours démocratiques de l’accès aux droits, de la « bonne gouvernance » et du développement.
Par-delà l’opposition classique entre surveillance et reconnaissance, le dossier interroge les effets actuels du tournant biométrique sur le fonctionnement des États et l’exercice de la citoyenneté au sud du Sahara. Les enquêtes menées en Afrique du Sud, au Burkina Faso, en Mauritanie, au Tchad, en Guinée et au Maroc soulignent l’encastrement social et politique de cette révolution technologique et la résilience de l’État documentaire. Elles montrent que la biométrie, loin de sécuriser les identités, peut contribuer au renforcement de l’exclusion et à la polarisation des débats sur l’appartenance citoyenne et nationale.