La sociologie n'est pas un savoir quelconque. Dans son statut scientifique,
elle entretient un rapport à la politique qui, loin d'être extérieur,
touche à sa définition même. Voulue par une société déterminée, à un
moment déterminé de son histoire, la sociologie a surgi sur l'onde de
choc de la Révolution française comme un savoir manquant, une tâche
à remplir pour que la politique moderne puisse enfin s'accomplir. Son
but fut d'abord d'élever la pensée à la hauteur du grand défi lancé par la
Révolution : faire de la société le sujet de ses propres transformations,
lui fournir les moyens d'agir sur elle-même.
Bruno Karsenti explore ici cette refondation de la politique au prisme de
l'oeuvre d'Auguste Comte. Grâce à Comte, une alternative s'ouvre, en
marge des conceptions qui dominent et structurent le débat public, où
les conditions de fonctionnement des sociétés post-révolutionnaires sont
projetées en pleine lumière. À l'appui d'une conception de l'esprit radicalement
nouvelle qui culmine dans une anthropologie, il s'agit de
déployer sans fléchir toutes les conséquences du fait qu'une société parvienne
au gouvernement d'elle-même. Et il s'agit aussi, en contrepoint,
de rendre plus apparents nos propres évitements, lorsque nous nous
contentons d'une acception convenue, et au fond peu exigeante, de la
démocratie.