Au tournant des années 1960, Pierre Clastres lance un défi à l'ethnocentrisme de la raison politique occidentale : et si les sociétés amérindiennes, accusées par les colonisateurs européens d'être « sans foi, ni loi, ni roi », ne manquaient de rien ? Et si elles formaient, plutôt que des sociétés « sans État », des sociétés « contre l'État » ? Toute l'oeuvre de Clastres va explorer les conséquences de ce changement de perspective. Dans cet essai, Eduardo Viveiros de Castro se propose d'interroger l'intempestivité de l'oeuvre de Clastres. Quels déplacements opérer dans cette pensée pour la réactualiser à une époque où les mouvements des peuples autochtones imposent que nous passions « du silence au dialogue », et où la crise environnementale globale suppose que nous reconsidérions nos manières d'habiter la Terre ? En faisant retour sur Clastres, Viveiros de Castro montre ce que l'anthropologie peut nous apporter en suivant la voie d'un « devenir- Indien » du concept et de la politique.