Politiques de la Révolution française
Historiquement, bouleversement révolutionnaire et invention démocratique sont conjointement au principe d'une prodigieuse mutation politique et sociale. Cependant, les crises et les convulsions révolutionnaires, notamment les « journées » où le peuple se lève en masse, mettent à rude épreuve les institutions représentatives. C'est que la Révolution se situe dans un temps court et vise des objectifs immenses et absolus - instaurer la liberté et l'égalité - alors que les institutions démocratiques opèrent dans la durée et poursuivent des objectifs limités : instaurer l'État de droit et l'égalité devant la loi.
Dans son imaginaire, la Révolution s'assure la maîtrise de l'histoire ; dans les réalités, elle s'inscrit dans un temps qui la dépasse et qui lui échappe. Installée dans un éternel présent, elle mène le procès sans appel des principes, symboles et valeurs d'un régime qu'elle fait définitivement sombrer dans le passé. Elle brise surtout la vie collective et les destins individuels.
Car l'histoire met à rude épreuve le projet révolutionnaire de s'émanciper de l'emprise du temps. Le passé dont il a décrété l'abolition ne veut guère passer et la Révolution est condamnée à négocier avec lui maints compromis ; symbole de la rupture, elle renoue le fil du temps ; figure et matrice de l'universel, elle reste, au plus profond d'elle-même, singulièrement française ; portée vers l'avenir, elle ne cesse de solliciter le passé national.
Bronislaw Baczko suit le déploiement des passions et des espoirs révolutionnaires de 1789 jusqu'à l'avènement de Bonaparte, « un Washington manqué ».