Pour quelles raisons se perpétue depuis la révolution industrielle une population d'« inutiles au inonde », de pauvres et de chômeurs ? Et à qui la « faute » ?
Malthus et Marx apportent deux réponses polaires à cette question. Chez Malthus, les pauvres sont la cause de leur propre malheur, par leur fécondité débridée. Chez Marx, c'est le capitalisme qui sécrète une perpétuelle « armée de réserve ».
Michel Husson nous invite à découvrir les innombrables penseurs qui ont légitimé l'existence des pauvres, des surnuméraires. Certains rejoindront les théories racistes et eugénistes, mettant en cause par exemple l'esprit imprévoyant ou la paresse de ceux qui meurent de faim en Irlande entre 1845 et 1852. Au tournant du 19e siècle, l'eugénisme a le vent en poupe : la société eugéniste britannique accueillera même Keynes parmi ses membres distingués.
Michel Husson aborde aussi l'épineux débat du « darwinisme social », qui étend les thèses de Darwin sur la sélection des espèces au social. Prudent dans son expression publique, Darwin le fut moins dans ses échanges privés, attestant l'idée d'un continuum dans la pensée darwinienne. Les fondateurs de l'économie contemporaine adopteront eux aussi des positions proches du darwinisme social.
À un moment où il est fréquent de voir incriminer ceux qui « restent » au chômage alors que le travail abonderait pour peu que l'on « traverse la rue », l'ouvrage de Michel Husson apporte un éclairage indispensable.