J'ai fait mon temps à l'usine. Même pas parti dans un plan de restructuration,
même pas eu le courage de démissionner. J'ai fait mes quarante-deux
ans. Pas fier pour autant. On a tous cru que la boîte ne
tiendrait pas des années et on annonce toujours sa fin prochaine. Et
pourtant elle tourne toujours. Cahin-caha.
Alors pour en finir avec elle, un état des lieux, des portraits de prolos,
des luttes, des moments de déconne entre collègues pour tenir le coup.
Pas de la nostalgie, juste des instantanés sur mes années, sur nos années
d'usine. Inscrire tout cela noir sur blanc pour ne plus avoir à y revenir.
«Je quitte l'usine et ne me retourne pas. Pas par peur d'être transformé
en statue de sel, mais parce que c'est devenu mon passé et que j'ai tant
d'autres choses à faire.»