Pour un pays d'orangers
Mémoires du XXe siècle
...de temps à autre, un parfum puissant et frais inondait l'air et me soulevait littéralement de bonheur avant de s'évanouir. Plusieurs fois, nous avons traversé la même vague odorante, et plusieurs fois, de même, le sillage s'en est perdu. Cela vous éveillait, vous subjuguait, vous investissait de sa fraîcheur embaumée, puis se dérobait, insaisissable et désirable. Quelqu'un, pour finir, a nommé « Les orangers ! », mais comment reconnaître les orangers si vous venez des terres à blé de Picardie ?A l'improviste, dès les premiers moments, l'étrangeté du pays me faisait captif de sa violente douceur.
Pour un pays d'orangers est né de l'émotion suscitée par l'explosion du terrorisme en Algérie dans les années 1990. Ce pays oublié depuis que les chefs historiques de la guerre d'indépendance avaient disparu de la scène publique ressurgissait soudain dans l'actualité de la façon la plus violente et renvoyait François Marquis aux souvenirs de la guerre qu'il avait faite comme appelé. Commence alors pour lui une longue méditation à partir des lettres, des photos et des pages de journal qu'il a conservées. Etayé par une enquête minutieuse, son récit retrace le cheminement d'un Français dont l'univers familier, qui remonte à la guerre 1914-1918 où disparut son grand-père, est aussi marqué par son enfance durant la guerre 1939-1945 et son adolescence dans le contexte de la guerre d'Indochine. La guerre d'Algérie sera pour lui le moment des choix essentiels et de la rupture intime avec les idéaux dans lesquels il a grandi. Profondément attaché à son pays, il découvre les Algériens qu'il est chargé de regrouper. Son livre témoigne du double ancrage d'une génération qui a porté tout le poids de la décolonisation française.