L'éthique contemporaine, qu'elle soit d'inspiration kantienne ou pragmatique, adopte une attitude ambivalente à l'égard des convictions. Tantôt, elle considère celles-ci comme de simples opinions sur la vie bonne dont le particularisme culturel risque de conduire à l'exclusivisme s'il n'est pas soumis aux exigences de la justification pluraliste et consensuelle. Tantôt, elle restreint la notion de conviction au point de n'y reconnaître que la garantie subjective d'une sincérité dans l'engagement moral. La conviction devient alors la formule de la raison pratique sans contenu sémantique particulier susceptible d'orienter l'engagement concret des sujets. C'est donc sur le plan sémantique qu'il est d'abord nécessaire de réintégrer le rapport entre éthique et convictions (Ire partie), si l'on veut ensuite élucider de manière positive le rôle des contenus de conviction dans le processus historique concret de l'engagement moral (IIe partie).