Depuis une vingtaine d'années, on a vu se multiplier les travaux consacrés
à l'inscription de la littérature dans l'espace et/ou à la représentation des
lieux dans les textes littéraires. Cet intérêt pour les questions de géographie
littéraire se situe dans le contexte du «tournant spatial» qu'ont connu les
sciences humaines et sociales, mais aussi dans l'évolution des genres littéraires,
caractérisée par une spatialisation croissante des formes poétiques et
narratives (poésie spatiale, récits d'espace...), et dans le développement de
pratiques artistiques liées au site (Land Art, performance...).
En proposant dans la première partie de cet ouvrage un panorama de
ces travaux, Michel Collot, s'emploie à en définir les principales orientations,
en distinguant approches géographiques, «géocritiques» et «géopoétiques»,
sans renoncer pour autant à les articuler pour constituer une véritable «géographie
littéraire» capable de rendre compte des différentes dimensions de
l'espace littéraire : la référence à des lieux réels, la construction d'un «univers
imaginaire» ou d'un «paysage» et la spatialité propre au texte.
Il formule quelques propositions sur leur place et leur signification respectives,
qu'il illustre dans la seconde partie de l'ouvrage par une série
d'études situées à diverses échelles : celle de la production littéraire d'un
continent à une époque donnée (l'Afrique noire postcoloniale), celle de
l'oeuvre complète d'un auteur (Supervielle, Butor, Silvia Baron Supervielle,
Pierre-Yves Soucy), celle d'un ouvrage particulier (de Claude Simon ou de
Jean-Christophe Bailly), voire celle d'un ou deux extraits significatifs (Barbey
d'Aurevilly). Pour explorer les multiples voies qu'une géographie littéraire
est susceptible d'emprunter, il a tenu à la confronter à des genres divers :
roman, nouvelle, poésie et récit de voyage, chacun d'eux appelant une
approche différente. Les oeuvres retenues s'étendent sur une période qui va
du milieu du XIXe siècle à l'époque contemporaine et elles permettront aussi
bien de s'arrêter dans une région comme le Cotentin que de voyager de l'Europe
à l'Amérique, en Afrique ou en Australie. Mais on s'apercevra que la localisation
des contrées évoquées importe moins que les structures spatiales
qui leur confèrent une valeur et une signification que chaque auteur interprète
à sa manière à travers les images et les formes qu'elles lui inspirent.