Cousin pauvre mais noble de Napoléon Bonaparte, étudiant logé à
Ajaccio par « Madame Mère », Carlo Andrea Pozzo di Borgo (1764-1842) entretient avec lui une belle amitié d'enfance, avant de lui vouer
une haine tenace, une « haine de Corse » comme la qualifie Talleyrand,
qui tourne à l'obsession. Disciple de Paoli, resté fidèle à une Corse
anglaise, le brillant avocat est contraint de s'exiler à la Révolution. Il
sillonne alors l'Europe entière à la recherche d'alliés avec pour seule
idée en tête : faire obstacle à l'« usurpateur ». À Saint-Pétersbourg,
ce diplomate hors pair et mondain accompli trouve l'oreille attentive
du tsar Alexandre Ier qu'il convainc en 1814 d'entrer dans Paris,
provoquant l'abdication de Napoléon. Présent au Congrès de Vienne,
il y joue un rôle actif, observe une dernière fois à Waterloo son ennemi
juré depuis sa lorgnette, part chercher Louis XVIII à Londres et, en
bon catholique et légaliste convaincu, rétablit les Bourbons. Il meurt à
Paris en son magnifique hôtel de la rue de l'Université après avoir été,
pendant presque trois décennies, ambassadeur de Russie à Paris, puis
à Londres auprès de la reine Victoria (1835-1839).
Sur la base d'archives inédites, en Corse, à Londres et à Saint-Pétersbourg, Michel Vergé-Franceschi est parti sur les traces de ce personnage infiniment romanesque, dont Karl Marx dit qu'il fut « le
plus grand diplomate russe de tous les temps ».