Avec Pratique de l'effacement, rien pour tempérer
cette évidence : nous apparaissons dans un
cri puis disparaissons à petit feu par soustractions
successives, écrire n'est qu'une manière de descendre
les choses dans leur tombe. Inutile de se
retourner, les corps vivants butent sur les morts,
l'instant est toujours à la peine, le moment ultime
attend son heure sur l'autre versant du noir. On
n'apprivoise pas le temps, on ne démesure pas sa
peau, il n'y a pas même une lueur d'«inespoir»,
cette misérable pirouette philosophique quand le
rata sert à froid sa honte, sa peur et sa stupeur, sa
fatigue, ses attentes et ses accablements, son aphasie...
D'images glaçantes, il n'y a... / que des têtes
vides fuyantes / dans le vent des rues, en axiomes
atroces, nous sommes / ce que chaque pas / nous
retire, Michel Bourçon s'efface, mais ses mots font
mouche et font mal tant leur force est de parcimonie,
leur acuité à la hauteur de leur retenue. alors
un conseil, n'ouvrez pas ce livre s'il vous reste
quelque illusion sur le réel, si l'incurable n'est pas
votre rosaire.
Jean-Pierre Georges