Balzac rédigea des préfaces pour les premières éditions en volume de nombreux romans, parus d'abord en feuilletons dans des journaux. Il s'agissait de les relier à l'ensemble de la Comédie humaine, « mosaïque [...] de la plus vulgaire terre cuite, matière dont sont faites certaines églises de village » (Préface à Une femme supérieure, 1838). Lorsqu'il eut affirmé cette forme globale, Balzac supprima ces préfaces, il n'en avait plus besoin : l'ordonnance, le plan général, de l'édifice apparaissait assez pour que la situation de chaque élément ne nécessitât plus de précision ou d'anticipation. Puis l'inquiétude d'être reconnu, quelles expriment fréquemment et de façon poignante dans l'incertitude et les épreuves de la vie courante, était sans doute dépassée, comme s'étaient éloignées les tensions complexes avec les milieux littéraires, la presse, les libraires-éditeurs.
Que Balzac les ait expressément retranchées de ses éditions ultérieures n'empêche aujourd'hui quelles peuvent être lues comme des moments préparatoires, des jalons de la création en cours. Elles témoignent des contextes passagers de ces publications, de la « nécessité » et des aléas éditoriaux qui pressaient l'auteur et le contraignaient, de son propre aveu, à céder ici et là des parties inachevées ou, plutôt, qui se développeraient encore. Elles attestent le scandale que suscitaient maints aspects de son tableau de moeurs réaliste - tant sur les plans civil et social que sur celui des relations codifiées entre hommes et femmes -, et les procès d'intention ou les condamnations dont il eut à se défendre. Elles suggèrent le travail de l'écriture, sa discipline laborieuse, les tâtonnements de ce qui se préfigure, s'élabore, se modifie. Elles constituent de larges chapitres du roman de la Comédie humaine elle-même.