Présentation critique de Constantin Cavafy
« Cavafy est l'un des poètes les plus célèbres de la Grèce moderne ; c'est aussi l'un des plus grands, le plus subtil en tout cas, le plus neuf peut-être, le plus nourri pourtant de l'inépuisable substance du passé. De parents grecs, originaires de Constantinople, il naquit en 1863 à Alexandrie d'Égypte. Il occupa longtemps dans cette ville un poste d'employé, puis de chef de bureau, au ministère de l'Irrigation ; il mourut à Alexandrie en 1933. »
Ainsi s'ouvre la « Présentation critique de C.Cavafy » par Marguerite Yourcenar, qui précède la première traduction intégrale en français de l'oeuvre du grand poète, traduction que l'on doit à Marguerite Yourcenar elle-même et à l'écrivain grec Constantin Dimaras.
« Cavafy n'a guère laissé circuler de son vivant que quelques rares poèmes insérés çà et là dans des revues; sa gloire, venue peu à peu, s'alimenta de feuilles volantes distribuées chichement à des amis ou à des disciples. » Avec les moyens biographiques les plus minces et sur le ton le plus sobre, Marguerite Yourcenar nous fait apercevoir d'emblée la silhouette de Cavafy.
Elle divise son oeuvre en trois grandes parties :
- les poèmes historiques, dont elle dit : « Cavafy dédaigne délibérément les grandes perspectives, les grands mouvements de masse de l'histoire... il nous montre un instant de la vie de César, il édite sur un tournant du destin d'Antoine. Sa conception de l'histoire se rapproche de celle de Montaigne... Il est essayiste, moraliste souvent, humaniste surtout. Il se limite intentionnellement à l'aperçu rapide, au trait net et nu. »
- les poèmes de réflexion passionnée où « la notion de politique, celle de caractère, et celle de destin, semblent se fondre en un concept plus ample et plus flottant de destinée, de nécessité à la fois extérieure et interne, associée à une liberté implicitement divine ».
- les poèmes personnels, dont les thèmes presque exclusifs sont l'amour, la séparation et le souvenir, le décor presque constant : Alexandrie. « Il a aimé avec passion cette grande ville agitée et bruyante, riche et pauvre, trop occupée de ses affaires et de ses plaisirs pour songer à son passé volatilisé en poussière. »
À la suite de cette « Présentation critique » dont chaque ligne serait à citer et qui inspire au lecteur un désir très vif d'aborder l'oeuvre de Cavafy, nous découvrons d'admirables poèmes en prose, et, grâce à l'art de Marguerite Yourcenar, un nouveau et très grand poète en français.