Jean-Pierre Bobillot, mot-parleur.
Sa Prose des Rats explore toutes les formes syllabaires du son [Ra], dans un long inventaire morphologique de la langue française : une longue fresque du ra-préfixe ou suffixe, passé ou futur-que Bobillot déroule en arpentant la scène, de rats-corps en rats-courcis, de calembours en à-peu-près, de fausses rimes en enjambements-anaphores, homophones, mots-valises, etc.
Mieux que des jeux d'écriture, il enchaîne les modes de lecture : litanie, ritournelle, incantation, scansion - slogan, répétition... sur tous les tons. L'auteur retrouve l'actio, l'art de mettre en voix et en gestes le texte : dernière discipline souvent oubliée des traités de rhétorique. C'est une rhétorique à rebours qui est développée ici - construire et écrire le texte en partant de sa forme sonore. L'actio contraint l'elocutio (les figures de style) et la dispositio (la structure), reléguant aux oubliettes l'inventio (la recherche des idées). Une littérature à contraintes vocales que j'appelle OudOPo : « Ouvroir d'Oralité Potentielle ».
Bobillot se définit lui-même comme « poète bruyant » : « J'ai avancé la notion englobante de formalisme lyrique. Il s'agit d'afficher le 'sens de la forme' et une certaine manière d'intervenir dans l'espace public, qui est essentiellement discours, oral ou écrit. »
Éric Blanco