Les sociétés démocratiques reposent sur le principe d'une égale capacité
civile de tous les citoyens à décider et à agir pour eux-mêmes. Depuis
quelques décennies, le nombre de personnes soumises à une réduction
légale de cette capacité ne cesse d'augmenter : personnes âgées ou très précarisées,
malades psychiques ou personnes handicapées. En tout, ce sont plus
de 800 000 personnes qui sont placées aujourd'hui sous le cadre juridique du
droit tutélaire, réformé avec la loi du 5 mars 2007. Cette évolution est révélatrice
des tensions entre les principes de liberté et de solidarité.
Comment assister une personne très vulnérable, la représenter, la protéger
tout en respectant sa part d'autonomie ? Comment la rendre capable en
prenant en compte son histoire biographique marquée par les injustices et
les vulnérabilités ?
Pour répondre à ces questions, l'auteur a mené une enquête anthropologique
de plusieurs années auprès de personnes protégées, de leurs proches et de
professionnels. En mobilisant une grande diversité d'outils conceptuels et
méthodologiques des sciences humaines, il analyse les paradoxes institutionnels
et professionnels, ainsi que l'ambivalence des vécus, marqués par des sentiments
de dégradation et de consolation.
Abordant de front les enjeux politiques et moraux posés par les idéaux d'autonomie
personnelle et de souci de l'autre, Benoît Eyraud en éclaire les conditions
relationnelles et juridiques en même temps qu'il dessine un horizon de
la prise en considération civile et sociale des personnes très vulnérables.