Plus encore qu'à une intertextualité biblique maintes fois
étudiée, c'est à l'analyse du langage de la religion - vocabulaire,
phraséologie, métaphores - que se consacre le présent ouvrage. Le
texte de Proust ne cesse en effet de se construire - de la phrase à la
page, de la page au chapitre, du chapitre à l'oeuvre - en ajoutant à
la polyphonie romanesque profane une partition inattendue. Elle
transforme l'oeuvre en un opéra sacré, tour à tour burlesque et
sublime, où se répondent, sans jamais se fondre harmonieusement,
des discours religieux discordants.
Emprunts à la Bible, à la théologie catholique, clichés littéraires,
fragments de discours historiques, sociologiques ou ethnologiques
cités par le texte ludiquement encyclopédique de la Recherche,
tous ces matériaux ayant le religieux pour objet forment un
ensemble discursif dont la cohérence déroutante demande à être
appréhendée par une métaphore oxymorique : la cathédrale
profane. Détournés de leur fonction première, ces discours religieux
sont en effet assumés, parodiés ou pervertis par l'énonciation
profane de la cathédrale proustienne.
D'inspiration stylistique, cet ouvrage fait appel aux diverses disciplines
de la linguistique textuelle pour proposer une lecture de
l'ensemble de l'oeuvre de Proust. Ses thèmes principaux - l'art,
l'amour, l'inversion, la mondanité - tirent un nouvel éclairage de
l'étude des discours paradoxalement religieux qui les commentent.
Ainsi se dégage la figure moderne d'un écrivain athée mais passionné
par la question religieuse, et désireux de se laisser interroger
par une foi qu'il ne partage pas.