En 1947 éclate à Madagascar une insurrection considérée comme le signe avant-coureur de la décolonisation en Afrique. Elle est très violemment réprimée, mais se poursuit jusqu’à la fin 1948. Octave Mannoni, qui vit dans le pays, écrit alors ce texte fondateur, qui constitue une critique radicale du colonialisme. Il y montre, par la voie de la psychanalyse et de la psychologie, comment les images que le colonisateur s’est fabriquées du colonisé le nient : « Le Nègre, c’est la peur que le Blanc a de lui-même. » Mannoni analyse le mécanisme de dépendance unissant le colonisé au colon par l’écran imaginaire que chacun a dressé entre lui et l’autre. La perspective anthropologique est donc aussi essentielle dans cette réflexion que les préoccupations politiques qui l’ont motivée.
Cette analyse, totalement nouvelle en 1950, provoqua de vigoureuses critiques d’Aimé Césaire et de Frantz Fanon, qui visèrent particulièrement le « complexe de dépendance » du colonisé. Mannoni y répondit dans des articles ou de nouvelles introductions aux rééditions successives du livre, dont cette nouvelle édition rend compte. Aucune analyse du racisme n’est neutre, il le sait. C’est donc aussi une « décolonisation de soi-même » qui s’impose, toujours à recommencer, comme il l’écrira dans un article ultérieur, donné ici à la suite du livre.
Octave Mannoni (1899-1989), psychanalyste, était aussi philosophe et ethnologue, une polyvalence qui l’a installé comme une voix originale dans le champ de la psychanalyse française.
Préface de Livio Boni, philosophe et psychanalyste, qui travaille sur l’implication de la psychanalyse dans la critique de la condition coloniale. Il a notamment publié L’Inde de la psychanalyse. Le sous-continent de l’inconscient (Campagne première, 2011) et, avec Sophie Mendelsohn, La vie psychique du racisme (La Découverte, 2021).