Quand la ville se défait
« Racaille ! » : un mot du ministre de l'Intérieur, que pourtant les jeunes des banlieues s'appliquent par dérision à eux-mêmes, a suffi pour provoquer trois semaines d'émeutes en novembre 2005. Jacques Donzelot tente de comprendre comment on en est arrivés là. Il rappelle comment les banlieues ont été conçues, dans les années 1950, lorsqu'on a voulu moderniser la société par l'urbain en construisant des grands ensembles offrant à tous les mêmes conditions d'hygiène et de confort. Comment ce rêve s'est effondré dans les années 1970, quand ces « cités » sont devenues synonymes de relégation pour les plus pauvres. Comment la politique de la ville a ensuite échoué dans sa prétention à transformer cette situation. Parce qu'elle s'est plus préoccupée de transformer les lieux que d'accroître la « capacité de pouvoir » des individus dans leur vie. Parce qu'elle s'emploie vainement à imposer une mixité sur place plutôt qu'à faciliter la mobilité sociale de tous dans la ville. Parce qu'elle prend appui sur le pouvoir des élus locaux plutôt que de travailler à créer une démocratie à l'échelle de l'agglomération.