En 1955, après deux ans de formation en tant qu'élève infirmier, Jean Boutier est fraîchement diplômé : alors qu'il était boucher, il a repris le chemin de l'école et est à présent l'un des premiers infirmiers psychiatriques français. Bientôt, par une matinée d'avril, il fait son entrée à l'hôpital psychiatrique du CHU de Tours et ce qu'il y voit le glace : peinture écaillée, odeur pestilentielle, mélange de javel et d'urine, lits-cages, linge sale, une cuvette pour une trentaine de patients... Une promiscuité et des conditions dignes du bagne. Jean vient de découvrir la noirceur d'un monde oublié, caché, celui des fous.
La psychiatrie moderne où le malade est au centre de l'attention des soignants et du corps médical est encore à ses balbutiements, comme l'explique Jean Boutier. Son récit, témoignage édifiant d'une période qui semble révolue, aborde aussi cette progression, lente, de la conception des « dérangés », reclus de la société et enfermés derrière des murs, à celle de « malades comme les autres », enfin humanisés.
Certains pourraient se poser ta question de l'intérêt d'un tel récit qui commence dans les années cinquante. Il reste pourtant d'actualité : nous sommes alertés sur les dangers du retour à des pratiques inhumaines, comme des enfermements abusifs perpétrés pendant la crise sanitaire que nous vivons.
Mis en forme par le gendre du narrateur, ce récit est un plongeon dans la vie asilaire de la seconde moitié du siècle dernier, qui n'avait rien à envier à l'univers carcéral.