Quarante méditations juives
« Tout livre est acte d'enfantement : on le porte en soi, on le mûrit durant le temps de notre vie, et, lorsqu'il vient à naître, nous souhaitons - comme pour l'enfant - qu'il soit porteur de vie, qu'il soit cette poignée de main donnée au lecteur, selon l'expression de Paul Celan.
Car à quoi serviraient tous les livres si, en leur noyau, ils n'étaient cet acte d'amitié par lequel les humains se parlent pour se donner, de l'un à l'autre, des mots qui aident à vivre : des mots porteurs de sens.
Si je puis me tenir ainsi au plus près du livre et de l'écriture, c'est parce qu'il y a non loin une source, jaillie de terre profonde, qui irrigue ma vie. Il me faut dès lors évoquer la longue trame de sensibilités et de paroles qui m'a inspiré tout au long de ce livre. Il s'agit de la pensée des maîtres du hassidisme. Je dis bien : inspiration, et non commentaire. Pouvons-nous respirer une pensée ? Sans doute. Lisant ou me souvenant de la phrase d'un maître, son parfum me pénètre et, de manière ténue, cette pensée - ce parfum - viendra tracer son sillage sur la page, comme une émanation venue du lointain, mais dont l'éclat scintille ici, suscitant mon propre travail. Travail par lequel, en m'adressant à chacun, juif ou non-juif, je souhaite interroger les grands problèmes de l'existence, ceux qui taraudent chacun d'entre nous, par exemple la mort, dont il est question dans ce recueil. Ajoutons que cette interrogation ouvre à la dimension spirituelle dont nos vies sont trop privées, la spiritualité étant précisément cet espace de questionnement, d'inquiétude et de remise en question de nos certitudes. »