Les gays sont-ils « malades » ?
Pour lutter contre la pathologisation de l'homosexualité, le mouvement de libération gaie nous avait appris à répondre à cette question par un « Non ! » sonore. À la catégorie de subjectivité gaie, il fallait alors substituer celle, collective et politique, d'identité gaie. Mais, avec notamment l'épidémie de VIH/sida, les temps ont changé. Alors que celle-ci n'a toujours pas été jugulée, les comportements à risques d'un certain nombre de gays - en particulier, la pratique du bareback - ont donné lieu à un retour en force des approches médicales de l'homosexualité et réactivé bon nombre de clichés sur la supposée déficience psychique des gays.
Dans ces circonstances, David Halperin montre qu'il est urgent de reposer la question épineuse de « ce que veulent les gays ». L'enjeu est de penser la subjectivité gaie en dehors des catégories normalisatrices de la psychologie et de la psychanalyse, en la situant dans son contexte social.
Halperin se fait ainsi le champion de traditions queer injustement négligées en dépit de leur inventivité. À travers la lecture d'auteurs comme Marcel Jouhandeau ou Jean Genet, il montre comment le stigmate de l'abjection peut être retourné, et permettre à ceux qui en sont les victimes de résister à l'oppression politique. Il ouvre ainsi la voie pour penser la subjectivité gaie selon un modèle alternatif, non psychologique, qui a toute sa pertinence dans une perspective de lutte contre le sida.