Les sociétés européennes se révèlent de plus en plus hétérogènes et
cosmopolites, démographiquement et culturellement transformées par les
flux migratoires que la mondialisation intensifie. Ce sont en réalité
les sources et les modalités du peuplement européen qui connaissent une
profonde mutation. La trame de la société en est affectée et les tensions
sociales qui en résultent sont visibles. Elles ne disparaîtront pas
spontanément. Or, s'il s'agit d'intervenir avec plus de lucidité dans des
situations et des luttes qui s'imposent par leur urgence, de quelles catégories
d'analyse disposons-nous pour penser le devenir des rapports sociaux parmi
les plus caractéristiques de cette transition sociale ?
La thèse développée dans ce livre est celle-ci : pour comprendre le
devenir de ces sociétés, il faut résolument recourir à la notion de société
ethnique. Même si cela déplaît à beaucoup qui n'y voient d'abord qu'une
atteinte à leur modernité et une concession à ce qu'ils appellent la «peste
communautaire». Car, d'une part, on ne peut plus intellectuellement
s'en remettre au seul discours antiraciste. Et il y a, d'autre part, des motifs
suffisants pour revisiter la notion d'ethnicité. On peut y discerner tout autre
chose qu'un archaïsme culturel rétif au compromis : l'un des fruits
paradoxaux de l'hyper-modernité des sociétés européennes elles-mêmes,
où vient à s'imposer le défi d'organiser socialement les différences
massivement co-présentes sur un même territoire.
Sur la base de nombreuses observations empiriques, mais en
réinterrogeant aussi la théorie sociologique de l'action et le rôle qu'elle
confère aux pratiques symboliques, l'auteur propose un cadre de pensée qui
donne sa place à la «conscience ethnique». Il permet ainsi de mieux saisir
comment se pose désormais à notre société la question des identités et des
appartenances culturelles.