Qui a peur de roman Polanski ?
La figure d'un Polanski haïssable a été forgée au long cours, dès l'assassinat en 1969 de son épouse Sharon Tate : en était-il « si innocent » (sic), tant du fait de son œuvre « satanique » que de sa vie supposément dissolue ? Une partie des médias instilla ce poison dans l'opinion. Relancé par l'épisode de sa relation sexuelle illicite avec une mineure en 1977, un acharnement irrationnel, en roue libre depuis la sortie de J'accuse en 2019 et la frénésie accusatoire née de #MeToo, le poursuivit sa vie durant. En témoigne encore le tir de barrage contre son dernier film en date, The Palace, présenté fin 2023 à la Mostra de Venise.
L'image d'un prédateur maléfique s'est ainsi superposée à l'homme et à l'artiste, tel un masque odieux lui collant au visage. Fruit toxique d'une fabrication médiatique jamais interrogée, elle s'est peu à peu imposée comme vérité indiscutable.
Or de multiples façons, la question de la vérité - et de sa corruption - travaille au cœur du cinéma de Roman Polanski.
Cet essai croise un examen au scalpel des procédés falsificateurs qui ont accouché du « monstre » Polanski, empreints d'une détestation d'autant plus fanatique qu'elle se grime en vertu, avec une analyse de l'art de la vérité tel qu'il se déplie dans l'œuvre du cinéaste.
Une œuvre capable d'armer notre esprit face au « parti pris de ne rien savoir », au « déchaînement furieux de passions sectaires » qui, au-delà du cas emblématique de Polanski, caractérisent le règne déréalisant, et de plus en plus étendu, du fake.