Lorsqu'elle fait de la vérité un problème particulier, la philosophie s'engage dans une réflexion sur ses conditions de possibilité. Or l'une de ces conditions, rarement examinée, consiste à identifier l'homme à la vérité. Le but du présent ouvrage est de considérer, moyennant une approche comparative, ce qui est impliqué dans l'affirmation : « Je suis la vérité ». Le premier chapitre, intitulé « Qui est la vérité ? », se propose de déplacer le site de l'interrogation habituelle Qu'est-ce que la vérité ? La question en Qui, et non plus en Quoi conduit à examiner l'anthropologie du point de vue d'une manifestation de soi qui relève, non pas tant du savoir absolu, que d'un savoir de l'absolu au sens où l'absolu immanent est savoir. Mais l'affirmation : Je suis la vérité est susceptible de plusieurs flexions. Trois essentielles sont repèrées : en dogmatique, en philosophie et en mystique. Une approche comparative était donc de rigueur qui a coévoqué trois éminentes figures, Jésus, Sankara et Hallâj, lesquels ont émis la prétention d'être la vérité dans des cadres intellectuels distincts. Le chapitre II qui leur est consacré s'attache en priorité à élucider le sens de la copule dans la proposition énonciative « Ceci est cela ». Un partage entre une acception analytique et une acception synthétique permet de distinguer deux identifications à la vérité, immédiate et dialectique, en sorte d'autoriser aux deux formes opposées de la mystique (interpersonnelle, fusionnelle) de prendre appui sur ladite proposition. Le chapitre III porte sur l'unification de l'homme-vérité, savoir si, disant de lui qu'il est l'Un, on vise seulement un Dieu qui a pris forme humaine (comme dans le christianisme, le druzisme et le nusayrisme) ou si le terme peut encore être étendu à un simple homme dans son rapport à Dieu.