«Je songe à une grande épopée chrétienne où je voudrais introduire saint Pierre, saint Paul et Néron, la première persécution, et donner une série de tableaux tellement universels et magnifiques que l'on serait obligé de les traduire du polonais dans toutes les langues»: telle était l'ambition de Henryk Sienkiewicz lorsqu'il entreprit, en 1895, la rédaction de Quo vadis?. Pari gagné: l'année suivante, le roman est traduit en Europe et aux États-Unis - les Français attendront jusqu'en 1900 pour être gagnés à leur tour par la «sienkiewite aiguë». Pétri de culture latine, Quo vadis? fascine, parce qu'il conjugue apologie du christianisme et érotisme diffus, fresques grandioses et détails cocasses. L'action se déroule à Rome, en 64 après J.-C.: dans la maison de Plautius, Vinicius, patricien romain, s'éprend de la chrétienne Lygie. Le récit de leurs amours tourmentées nous plonge au coeur du règne de Néron, sombre figure du paganisme décadent: il nous convie aux festins orgiaques organisés sur un immense radeau aux poutres dorées, autour duquel nagent de jeunes esclaves déguisées en sirènes et en nymphes; ou encore dans l'amphithéâtre romain, où les chrétiens sont sauvagement livrés aux chiens et aux lions sous les yeux de la foule enivrée de sang...
À propos de cette oeuvre culte, qui valut à Sienkiewicz le prix Nobel de littérature en 1905, Henry de Montherlant affirmait: «Je pèse bien mes mots avant de tracer ce qui suit: c'est en vérité dans Quo vadis? que j'ai appris à écrire...»
Traduction par Ely Halpérime-Kaminski