À l'instant où la guerre de Suez avait pris fin, ce ne fut plus la guerre
mais la paix qui devint terrible. Tout de suite après l'expulsion des ressortissants
français et anglais, les juifs se virent, à leur tour, suspectés
d'impérialisme, de sionisme, de communisme, ou des trois à la fois.
Avec pour résultat, et dans tous les cas de figure : l'arrestation, la prison,
la spoliation des biens et, en dernier ressort, le bannissement.
Pour sa part, Salomon Cohen caressait encore l'espoir d'en réchapper.
Il possédait la nationalité égyptienne. Il n'avait jamais adhéré à une
quelconque idéologie politique, cette bonne blague (...). Il considérait
même comme un péché de croire qu'un pouvoir terrestre était capable
de contrarier les desseins de la divine Providence.
Le Caire, 1957. Salomon, bourgeois prospère, refuse de se rendre à une
convocation des Moukhabarat, les services de renseignements égyptiens.
Une nuit, un officier de police se présente chez les Cohen avec
un mandat d'amener ; en réalité, il a un compte personnel à régler avec
cette famille où, naguère, sa mère servit de domestique. Rachel-Rose,
la fille aînée, lui ouvre la porte. Elle est en nuisette, comme nue sous
les regards de l'officier arabe. Conscient du trouble qu'il a semé chez la
jeune fille, l'officier Fouad Barkouk va jouer de son ardente naïveté pour
punir les anciens patrons de sa mère. En séduisant l'adolescente, en la
faisant tomber sous sa dépendance sexuelle et affective, Fouad croit
assouvir sa vengeance...
Avec cette histoire d'un premier amour dans les bras de l'ennemi - une
métaphore de l'éternelle guerre de possession - Paula Jacques nous
cueille là où on l'attendait le moins : c'est un vrai thriller psychologique
qu'elle nous offre, avec en toile de fond l'Égypte des années cosmopolites,
cette terre originelle qui marque toute son oeuvre.