Édition critique établie sous la direction de Vincent Duclert et Pierre Encrevé, avec la collaboration de Claire Andrieu, Gilles Morin et Sylvie Thénault
«Le 17 février 1959, à Alger, un inspecteur des Finances âgé de vingt-huit ans remet au délégué général en Algérie un rapport, qu'il ne lui a demandé qu'officieusement, sur une réalité ignorée de l'opinion publique et pourtant essentielle de la guerre d'Algérie, les camps de regroupement dans lesquels sont parqués plus d'un million de villageois, dont plus de la moitié d'enfants. Faute de nourriture et de soins, ces populations, qui connaissent déjà une mortalité enfantine effrayante, que l'auteur du rapport évalue à près de 500 enfants par jour, sont menacées de famine, dans l'ignorance totale de l'opinion et l'indifférence apparente des autorités civiles et militaires. Alerté par l'auteur lui-même, le cabinet du garde des Sceaux du gouvernement de Michel Debré, Edmond Michelet, décide de communiquer ce rapport à la presse. Le 16 avril, France Observateur et le 17 avril 1959, Le Monde (daté du 18) publient de larges extraits du rapport et soutiennent sa vision alarmiste du sort des populations algériennes.
Interpellé par Waldeck Rochet à l'Assemblée nationale, le 9 juin, le Premier ministre se risque à dénoncer un complot communiste... Il sait pourtant à cette date que la fuite vient du cabinet d'un de ses ministres et que le rapport est en réalité l'oeuvre d'un inspecteur des Finances tout nouvellement promu, ancien dirigeant des étudiants socialistes, et dont il a demandé en vain en Conseil des ministres la révocation: Michel Rocard.»
La question des camps de regroupement reste aujourd'hui encore l'une des tragédies les plus méconnues, et les plus importantes, de la guerre d'Algérie. Le Rapport de Michel Rocard révéla les conditions dramatiques du déplacement de masse des populations pratiqué par l'armée française et son caractère inhumain. Ce document essentiel est présenté pour la première fois sous le nom de son auteur, accompagné d'un éclairage historique complet.