«Retourner aux choses elles-mêmes» au lieu de se contenter
de «simples mots», l'impératif premier de la phénoménologie
implique «la grande tâche» qu'annonce l'introduction au tome II
des Logische Untersuchungen : «amener à la clarté et à la distinction
les idées logiques, les concepts et les lois», en une démarche
exempte de toute présupposition et rigoureusement descriptive, qui
anticipe la méthode de la réduction. Husserl l'illustre dès les deux
premières Recherches consacrées aux élucidations nécessaires à
tout commencement : celles de l'instrument même de la pensée, le
langage.
Quel est le rapport du signe à la chose ? Tel est le thème de la
Recherche I, «Expression et signification». Le propre de l'analyse
phénoménologique menée avec une clarté pédagogique inégalée est
de dégager dans l'évidence, contrairement aux théories psychologiques
ou logiques en cours, la spécificité de la signification et
son indépendance relativement tant aux contenus psychiques qui
l'accompagnent qu'aux objets visés.
La deuxième Recherche, la plus platonicienne, traite de «l'Unité
idéale de l'espèce» et développe une critique des théories modernes
de l'abstraction, notamment empiristes. Husserl y explore la structure
intentionnelle du vécu en montrant que tout vécu se rapporte
à une essence : reconnaissant dans l'idéal «la condition de possibilité»
de toute connaissance, il fonde la phénoménologie en tant
que science eidétique.
Ouverture magistrale, indispensable à la compréhension de la phénoménologie
dans sa percée et son devenir, mais dont l'intérêt
déborde largement les frontières d'une discipline - le lecteur y trouvera
les distinctions fondamentales indispensables à toute théorie
de la signification, à toute théorie.
R. S. et A. L. K.