Récits de la Perdition
Parus pour la première fois en 1910 à Saint-Pétersbourg, les Récits de ta Perdition sont inspirés par les dix années d'exil de Vladimir Tan Bogoraz, entre 1890 et 1900, au fin fond de la Sibérie, dans l'inhospitalière Kolyma, devenue « Perdition » dans le langage des exilés.
Passés à travers le filtre de la fiction, ces récits évoquent avec humour, tendresse et rudesse la vie d'une colonie d'hommes et de femmes bannis pour raisons politiques, immergés dans une nature extrême peuplée de lakoutes, de descendants des premiers colons russes et de Cosaques. « Nous vivions comme des robinsons d'un genre nouveau, des robinsons polaires. » Tous rêvent de retrouver leur patrie, travaillent au coude à coude pour assurer leur survie, et interagissent : c'est la vie au quotidien - intime ou collective - qui est dépeinte, mais aussi le caractère et la personnalité des protagonistes dont aucun ne laisse indifférent, mus tour à tour par la fantaisie, l'ivresse, le désespoir ou un éperdu besoin de tendresse... Une vie dans laquelle les habitants autochtones éveillent l'intérêt et La curiosité des nouveaux venus, ce qui vaudra à Bogoraz de laisser son empreinte comme père de l'ethnographie russe. « Je m'efforçais de tout voir, tout connaître en détail. Je ressentais une avidité insatiable, comme s'il y avait, dans les profondeurs de mon âme, un gouffre », dira-t-il plus tard.
En même temps qu'ils s'imposent par leur force littéraire, ces Récits de la Perdition laissent entrevoir ce que furent les âpres conditions des hommes et des femmes expédiés sur les rives de la Kolyma, ravalés au rang de « troglodyte de l'âge de pierre » par cet exil dans un environnement dépouillé et hostile.