"Aristocrates de la Moldavanka, ils étaient engoncés dans des gilets de couleur framboise, des vestes rousses tendaient leurs épaules et une peau couleur de l'azur du ciel craquelait sur leurs jambes épaisses. Dressés comme des i, le ventre proéminent, les bandits battaient le rythme de la musique, criaient «cul sec» et jetaient des fleurs à la mariée. Et elle, Dvoïra, la sœur de Bénia Krik, dit le Roi, elle avait quarante ans, un goitre protubérant et des yeux qui ressortaient de leurs orbites."
Autour de la figure de Bénia Krik, le "Roi" d'une pègre de gangsters, de charretiers, de contrebandiers, s'ordonne le petit monde du quartier juif de l'Odessa des bas-fonds que met en scène - comme un hommage à ses origines - Isaac Babel.
Ici, pourtant, le petit Juif persécuté de l'imagerie de son enfance devient - par le retournement de la fiction - le beau et fort roi des voleurs d'Odessa. Capable (dans le Roi, dont est extrait le passage ci-dessus) de marier sa sœur contrefaite, et même, en commanditant l'incendie du commissariat, capable d'empêcher que la cérémonie soit troublée...
C'est bien une fresque baroque, colorée, grouillante de vie et pleine d'humour que dessine ce recueil.