Dans la décennie de sortie de guerre, le thème de la réconciliation des Libanais structure les discours politiques et sert à justifier de grandes actions d'aménagement, ainsi que des stratégies individuelles ou collectives. Plus encore que l'arrêt des combats, la promesse d'une nouvelle ère de coexistence et de prospérité légitime les projets ambitieux de la reconstruction. En retour, la construction d'équipements et d'infrastructures, la reprise des dynamiques de développement, ainsi que la réhabilitation du cadre de vie sont censés favoriser la réconciliation. Cet ouvrage du CERMOC est le fruit des recherches et des réflexions d'une équipe d'anthropologues, de géographes, de sociologues, de politologues et d'urbanistes, animée par Eric Huybrechts, responsable de l'Observatoire de recherches sur Beyrouth et la reconstruction, et Chawqi Douayhi, professeur à l'Université Libanaise. Les auteurs ont repéré et étudié divers lieux représentatifs de la reconstruction et de la réconciliation, choisis soit pour leur originalité, soit à partir d'angles particuliers : la reconstruction des villages autour de Saïda, le nouvel équilibre politique et social entre Tripoli et Zgorta à travers l'étude de l'espace de l'Université Libanaise à Qobbé, la mixité sociale sur la Corniche et dans les centres commerciaux de Beyrouth, l'oubli de l'ancienne ligne des combats dans la reconstruction de Beyrouth et ses banlieues, etc. Plusieurs lectures peuvent être faites de ces recompositions : une normalisation des relations sociales, la reprise de dynamiques métropolitaines et globalisante, une complexification de la société, ou même la poursuite de la lutte politique par d'autres moyens que la guerre. La diversité des interprétations confirme la vocation du Liban comme « laboratoire de la Méditerranée ».