Réécrire le mythe
La variation est consubstantielle au mythe, qui permet aux hommes et femmes de comprendre et d'interpréter leur existence : à la fois intemporel et jamais semblable à lui- même, il résonne différemment selon les époques, les lieux et les cultures. C'est donc naturellement qu'il trouve sa place dans la collection « Linguae », dont la spécificité est de proposer des anthologies de textes dramatiques contemporains, francophones et en traduction, en édition bilingue préfacée.
Les textes choisis sont parcourus de ruptures plus ou moins fortes par rapport au mythe auquel ils se réfèrent. Chez l'Italien Francesco Randazzo, l'affrontement entre Penthésilée et Achille est réécrit dans une optique queer. L'Américaine Sarah Ruhl nous livre une Eurydice tiraillée entre son amour pour Orphée et sa tendresse pour son père, infléchissant l'issue fatale. Le périple d'Ulysse inspire la dramaturge germano-turque Emine Sevgi Ôzdamar : Perikizi présente l'odyssée d'une jeune fille passionnée de théâtre, quittant Istanbul pour l'Allemagne et partant affronter le « Cyclope », au risque de devenir « personne » dans son exil. Anne Bourrel, dans Barbie Furieuse, nous livre le mythe de Médée par la bouche de ses enfants désormais adultes et condamnés à revivre leur tragédie en boucle. Una tarda, du Catalan Marc Rosich, réactive le mythe de Clytemnestre, dont s'inspire une femme d'un certain âge dans sa tentative de séduire un jeune homme.
Quant à Devoir de résister, Saïd Mouhamed Ba y actualise l'épopée sénégalaise de Samba Guéladio, dans une Afrique envahie par les islamistes.