Au centre de ce volume se trouve «L'épistémologie naturalisée»,
sans doute le texte le plus influent de Quine : référence de la
philosophie analytique dans sa version naturaliste, il a été utilisé non
seulement comme manifeste philosophique des sciences cognitives,
mais aussi comme signal d'un renoncement à l'antipsychologisme
des pères fondateurs de la philosophie analytique. Quine y affirme
que l'épistémologie devient «un chapitre de psychologie», puisqu'elle
étudie «un phénomène naturel, à savoir un sujet humain physique»
et sa production de théorie (output) à partir de données sensorielles
(input). Il reverse la question épistémologique à la psychologie, la
renvoyant au schème conceptuel de la science dans son ensemble.
L'inverse vaut aussi : la science naturelle, par un effet de «mise en
abyme», est finalement contenue dans l'épistémologie. On comprend
pourquoi il est important que l'épistémologie soit naturalisée, et non,
comme on l'imagine parfois, l'esprit, l'intentionnalité ou le langage.
Naturaliser signifie renoncer à toute fondation extérieure à la nature,
et certainement pas retrouver de nouvelles certitudes dans la science.
Un naturalisme second ne serait plus fondé sur le modèle des sciences
de la nature, mais sur notre nature, qui est sociale. Cet ouvrage a ainsi
lancé le débat crucial sur les variétés du naturalisme : Sellars, Strawson,
Putnam puis McDowell ont travaillé à élaborer ce naturalisme de la
seconde nature. Le naturalisme devient alors simplement une position
immanente, refusant toute argumentation transcendantale et toute
position d'arrogance de la philosophie comme de la science. La réflexion
sur le naturalisme, sur ses limites et sa nature, est certainement un
élément essentiel de l'héritage philosophique de Quine aujourd'hui,
et l'acquis le plus durable de la Relativité de l'ontologie.