Je n'ai rien écrit de personnel depuis La Terrasse du Dôme, 1980.
Depuis la mort de ma mère, rien n'était venu troubler la retraite
paysanne où nous vivions, Geneviève, sa soeur Hélène et moi.
Mais, en avril, Hélène est morte ; le mois suivant, un voyage
d'une quinzaine de jours nous a menés à travers la France,
de Nantes à Limoges, d'Eymoutiers à Cognac, de Nîmes
aux Saintes-Maries-de-la-Mer, chez nos filles, leurs enfants et leurs amis.
Puisque, enfin, quelque chose s'était passé, j'avais de nouveau
quelque chose à dire... que ce journal ne dit pas,
car il n'y est question ni de la mort d'Hélène ni du voyage.
Mais la mort et les chemins y sont partout présents.
... J'interromps très vite mes journaux, entrepris trop tard
ou comme dans l'attente d'un événement qui ne se produit jamais
pendant leur écriture. Comme si l'oeuvre, en effet, interdisait la vie.
Celui-ci doit être le dizième - ou le douzième - mais la plus grande part
en a disparu, perdue dans un déménagement, une fuite,
ou, passée dans un roman, un conte, une autobiographie,
qui en récupérait le meilleur.
... Si je le dis le dernier, c'est que la mort approche,
que la fatigue s'alourdit, que la souffrance gagne, que je me sens
vraiment vieux, à ce point qu'un escalier fait peur, le soleil fuir...
Ce journal, je l'intitulerai : Reliefs et m'en expliquerai peut-être
au terme, bien que, déjà, la partie achevée explicite assez clairement
le mot. Il se compose de quelques récits, de méditations inachevées,
de certitudes contredites et de références littéraires, nombreuses,
à l'oeuvre de Poe et au dernier ouvrage de Martin Heidegger,
ainsi que des traces, à peine esquissées, de deux séjours imbriqués,
à l'île de Ré et à Saintes.»